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Les méthodes agiles au service de la gestion d’entreprise

Écrit par Sogilis

Nous vous proposons un retour d’expérience sur notre utilisation de la méthodologie Kanban pour co-gérer de manière agile une entreprise.

Co-gestion de l’entreprise

Sogilis Lyon, à l’instar de sa grande soeur grenobloise, est une entreprise libérée, opale, à organisation “flat”, appelez-la comme vous voulez. Le fait est que nous, les employés, la gérons nous-même. Nous sommes en charge, en plus de faire notre métier initial, de nous occuper de trouver des clients, de créer des partenariats avec des acteurs pertinents, de communiquer sur nous et notre activité, de recruter nos futurs collègues etc… Tout cela nous le faisons sans chef “au-dessus” de nous. Il y a un gérant légal mais dans notre fonctionnement il n’a pas plus son mot à dire que n’importe laquelle ou lequel d’entre nous.

Cette organisation horizontale peut séduire au premier abord, mais elle comporte de nombreux écueils. En effet si nous sommes tous responsables de tout, cela revient vite à ce qu’aucun d’entre nous ne soit réellement responsable de quoique ce soit. On pense vite que le voisin ou la voisine peut bien se charger de contacter un candidat pour fixer une date de premier entretien. Le risque, et nous l’avons vécu, est que ce type d’actions ne soient pas faites, ou bien après un délai bien trop long et que le candidat, dans notre exemple, accepte une autre proposition. Après quelques ratés nous sommes vite arrivés à la conclusion qu’il nous fallait une organisation plus cadrée. D’ailleurs, petit aparté, entreprise libérée rime souvent avec plus de règles qu’avec chaos. Il se trouve juste que ce sont les employés eux-mêmes qui fixent les règles.

Comment nous organiser de façon à ce que les actions soient non seulement faites, mais aussi en temps et en heure ?

1ère itération - partager l’information

Tout d’abord, nous avons souhaité que toutes les actions soient visibles de tous, à chaque instant. Nous avons donc réquisitionné une vitre de notre salle de réunion et y affichons les actions liées à la gestion de l’entreprise. Peu de temps auparavant nous avions pris l’habitude de faire un petit tour à l’oral, chaque matin, pour communiquer aux autres notre humeur de l’instant, nos problèmes pour avancer dans notre travail, nos succès de la veille etc… Nous communiquions en terme de “points positifs et négatifs”.

C’est assez naturellement que l’organisation de l’affichage s’est articulée en deux colonnes principales : la colonne des points positifs et celle des points négatifs. Au centre, une troisième colonne dans laquelle mettre en regard des actions permettant de renforcer les points positifs et celles permettant d’éliminer les négatifs. Un point ou une action par post-it, écrit en gros. En plus de l’action, une date et un responsable.

Trois informations sont obligatoires pour décrire une action : un verbe à l’infinitif pour décrire l’action, une date limite et un responsable.

Au dessus de ces trois colonnes nous avions illustré un mini-kanban (inspiré de la méthodologie agile) pour organiser les gros objectifs de notre structure : recruter deux devs en 2017, avoir 5 000 followers sur tel ou tel réseau social etc…

Première version du suivi de gestion d’entreprise.

Les problèmes liés à cette organisation visuelle se sont vite fait sentir. Du côté des points positifs, nous avions du mal à trouver des actions permettant de les pérenniser. Nous perdions peu à peu de vu l’intérêt de cette colonne positive. Quant aux autres actions, nous ne finissions pas les plus conséquentes comme “Faire une étude de marché de l’activité des ergonomes en France” par exemple. Et puis il y avait toutes ces actions que l’on ne pouvait classer ni comme négatives ni comme positives. Où les afficher ? Enfin nous étions devenus laxistes sur les dates et les responsables liés à une action. Ces éléments n’étaient pas toujours indiqués et personne ne se sentait responsable de les réaliser.

Nous en avons conclu qu’il était temps d’itérer et de s’organiser autour d’un nouvel affichage.

2ème itération - organisation agile et gamification

Nous nous sommes inspiré d’une méthode agile et avons réorganisé les actions dans un Kanban de 3 colonnes :

  • à faire
  • en cours
  • fait

Nous identifions ainsi mieux le flux de travail. Nous avons également limité le nombre d’actions dans la colonne en cours à deux par personne comme recommandé par la méthodologie agile Kanban.

Système visuel simple composé de 3 colonnes : à faire, encours, fait permettant de suivre l’avancement des tâches.

En complément, Augustin nous a proposé de stimuler notre motivation et accélérer de ce fait la réalisation des actions. Issu du domaine des neurosciences il avait étudié le système de récompense, à la base de la motivation et de l’apprentissage. En première instance, nous avons adopté de système des étoiles…

Gamification de l’avancement des tâches de l’entreprise : colorier dix étoiles pour se payer un restaurant.

Le principe était simple : pour chaque action réalisée, on coloriait un segment d’une étoile. Une étoile comprenait 10 segments. Une fois toutes les étoiles coloriées, on s’organisait un restaurant payé par la boite.

Cette gamification était trop simpliste et la carotte trop éloignée : 100 actions avant la récompense. Nous avons donc rajouté un peu de hasard avec le système des cadenas. Chaque cadenas cachait une récompense et était déverrouillable par la réalisation de 10 actions. On choisissait de s’attaquer à tel ou tel cadenas au hasard. Ce système était plus motivant car il comprenait plus de petites récompenses atteignables plus rapidement.

Gamification de l’avancement des tâches de l’entreprise : débloquer des cadenas pour obtenir une récompense.

Nous avons également atteint la limite de ce système, lorsque nous nous sommes rendus compte que certains post-it restaient plusieurs mois dans la colonne “à faire” sans passer dans la colonne “en cours”. Lors d’une rétrospective (nous en parlerons dans un autre article) nous avons identifié que ces actions étaient laissées à l’abandon car personne n’était capable de définir l’objectif qu’elles servaient. La plupart de ces actions avaient été écrites et affichées comme faisant parti d’un groupe d’actions servant un objectif à moyen ou long terme. Une fois quelques actions de ce groupe réalisées, on oubliait vite dans quel cadre s’inscrivait les restantes.

3ème itération - retrouver le sens des actions

Nous voici aujourd’hui à la troisième itération. Nous avons à nouveau pioché du côté de la méthodologie agile et ajouté la notion de User Story (US) à notre système. La vitre de notre salle de réunion a ainsi été re-découpée et nous avons empiété sur les vitres adjacentes pour un affichage plus grand, plus clair et plus lisible. Le nouveau kanban est sous-organisé en lignes définissant des US clairement identifiées et affichées en début de ligne. Les actions composant chaque US sont priorisées dans la colonne À faire. Le nombre d’encours maximum par personne n’a pas bougé et est toujours de 2. Nous avons également ajouté une colonne en attente dans laquelle placer les actions entamées mais dont la réalisation complète ne dépend pas de nous.

Système visuel de gestion agile qui nous permet de suivre l’avancement des sujets de l’entreprise.

Ce système est en place depuis 2 mois et pour l’instant il nous satisfait. Nous découpons les actions plus finement et savons toujours pourquoi il faut faire telle ou telle action puisqu’elles sont toutes attachées à leur US. A l’instar des US des projets agiles, nous les avons  mûrement réfléchies afin qu’elles apportent de la valeur à l’entreprise. Elles comprennent toutes les actions nécessaires pour que cette valeur soit apportée. Par exemple, il ne suffit pas de “Définir une offre de formation” : tant que nous n’avons pas communiqué dessus et testé le marché, cette offre définie ne nous apporte pas grand chose. Lorsque toutes les actions d’une US sont faites, nous avons la satisfaction du travail accompli. Cette satisfaction est renforcée par le fait que nous sommes devenus intransigeants sur la définition des actions. Grâce aux itérations successives nous nous reprenons les uns les autres lorsque nous avons l’impression que l’action est trop grosse, trop floue ou trop petite. Nous nous assurons que chaque action est de taille acceptable. De même, certains d’entre nous essayent régulièrement de passer des actions un peu rapidement de la colonne En cours à Fait. Nous nous surveillons, avec bienveillance, pour s’assurer que les actions sont bien menées jusqu’au bout.

yoastmark

En parallèle, nous avons poursuivi l’amélioration de la gamification pour garder l’effet motivant. Augustin et Margaux ont “planché” sur une nouvelle version, plus ludique. Elle comprend un grand nombre de récompenses cachées et plus d’étapes intermédiaires avant de les obtenir. Les règles sont devenues plus complexes aussi :

  • chaque action faite permet au personnage de monter un barreau de l’échelle
  • tous les trois barreaux, le personnage cueille une pomme qu’il met dans son panier
  • lorsqu’il y a trois pommes dans le panier, nous pouvons en ouvrir une des trois et découvrir la récompense
  • les deux autres pommes restantes sont retirées du panier et gardées à l’écart
  • lorsque nous avons terminé une US, nous pouvons ouvrir une de ces pommes gardées à l’écart pour découvrir une autre récompense.

Toutes les récompenses ne seront pas obtenues, ce qui crée de la tension et de l’enjeu au moment de choisir quelle pomme on va ouvrir et quelle pomme on va laisser de côté. Cette tension est là pour renforcer l’attrait au jeu et donc à la réalisation des actions plus que pour frustrer les gens… Dans les faits la frustration rôde mais elle reste saine pour le moment…

Conclusion

Le système actuel nous plait pour le moment mais ce ne sera peut-être plus le cas demain. Parce que nous allons accueillir d’autres collègues avec leur vision et leurs idées, parce que de nouveaux problèmes surviendront surement et que notre système ne permettra pas de les résoudre, etc… L’atout principal de ce système et de ses prédécesseurs est sa souplesse. Il n’existe pas pour nous dicter quoi faire et comment le faire. Il est là pour répondre à nos problèmes du moment.

Nous pouvons ajouter ou retirer n’importe quelle règle à n’importe quel moment tant que cela participe à l’amélioration continue de notre fonctionnement.

Dans cet article nous nous sommes focalisés sur le partage d’information et l’organisation des tâches quotidiennes de l’entreprise.

Lors du prochain article nous verrons que ce système est très dépendant des humains qui le composent et de la façon dont nous endossons les différents rôles nécessaires pour faire tourner une entreprise.

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